Rached Ghannouchi face à la dérive salafiste

Publié: 24 février 2012 dans Anti-salafiste
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«Tous les Musulmans sont salafistes» a clamé Rached Ghannouchi. En d’autres termes, nous serions ainsi tous des salafistes, dans la mesure où nous révérons l’enseignement du Prophète, et suivons les prescriptions de l’Islam. Des propos qui risquent de surprendre. C’est pourtant bien le leader d’Ennahdha qui tient un tel discours.

Le cheikh a ainsi précisé, lors d’une conférence de presse tenue ce jeudi 23 février pour dévoiler la composition du nouveau bureau exécutif du mouvement Ennahdha, que les «salafistes ne sont pas un seul mouvement monolithique». Certains appellent à la violence, et au takfir. M. Ghannouchi l’admet, en soulignant que «la solution est dans le dialogue».

«La ‘’pauvreté religieuse’’ a rendu la Tunisie indépendante réceptive aux idées importées, depuis la marginalisation de la Zeitouna. Le mouvement Ennahdha, modéré par essence, a été réprimé sous Ben Ali» souligne M. Ghannouchi, rappelant que «la prière suscitait la suspicion, sans même parler de la barbe».  Ce que nous vivons actuellement serait ainsi le retour de manivelle actionné par l’extrémisme laïc. En clair : le président du mouvement Ennahdha reconduit (temporairement)  dans ses fonctions, n’a pas jugé bon de condamner sans équivoque un courant religieux dans son intégralité. Même si les plus extrémistes deses membres ont menacé la sécurité nationale.

conférence ennahdha tunisie

Déchaînement de violences
Dans la nuit du mercredi au jeudi 23 février, le local du Congrès pour la République (CPR) de la ville de Jendouba a ainsi été incendié à coups de cocktails molotov. Et le député CPR Dhamir Manai, lui-même originaire de cette région, a clairement mis en cause des «éléments salafistes connus dans la région». Cette ville du nord-ouest qui doit déjà faire face aux risques d’inondations, est aussi confrontée aux agressions de ses fils.

Lors de cette même soirée du mercredi 22 février, les forces de sécurité ont dû affronter, à Jendouba, des groupes armés de couteaux, et de cocktails molotov. Dans la matinée de ce jeudi, le jour où M. Rached Ghannouchi prenait la parole pour déclarer que «tous les Musulmans sont salafistes», un poste de police a été incendié à Jendouba. Le deuxième dans la région, puisque celui de Zehoua a été attaqué la nuit précédente. L’agence Tap cite des témoins précisant que «ces groupes cagoulés s’abritent, après chaque attaque, à l’intérieur des mosquées, diffusent en continue des enregistrements du Saint-Coran et appellent par haut-parleur au Jihad».

Ces graves dépassements qui ont eu lieu à Jendouba ne sont pas les premiers actes du genre dans la Tunisie d’après la Révolution. Le 13 février, le ministre de l’Intérieur, M. Ali Laâridh, lui-même issu du mouvement Ennahdha, a clairement annoncé que les opérations terroristes de Bir Ali Ben Khelifa avaient pour objectif de défendre le projet d’un Emirat Islamique. Des armes à feu ont ainsi été saisies, avec des lots de munitions. La menace est donc à la fois grave et réelle. L’actualité de ces derniers jours vient de le confirmer. Certes, le mouvement Ennahdha est aux commandes, et c’est l’un de ses membres qui occupe les fonctions de ministre de l’Intérieur. A ce titre, elle est donc directement impliquée dans la lutte sur le terrain contre ces dérives violentes, même si le discours officiel ne suit pas.

Les déclarations de Rached Ghannouchi interviennent peut-être dans un souci d’apaisement. «Tous les Musulmans sont salafistes» dit-il. Or dans les conditions actuelles, et vu les menaces que font peser des extrémistes armés sur la sécurité de nos concitoyens, s’agit-il vraiment de la réponse politique adéquate à cette flambée de violence ? Peut-on faire respecter les règles de la démocratie par des intervenants qui la jugent comme une hérésie ?

Moez El Kahlaoui

Rached Ghannouchi face à la dérive salafiste.

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